Heat the Pot // Ft. Ludo

A l'image de sa salle de cours, il régnait dans le bureau de Ludovic un désordre hors du commun qui aurait fait pâlir une machine à laver en cycle d'essorage. En fait, ce n'était pas tout à fait exact, en comparaison de la montagne de bric-à-brac plus ou moins magique qui s'affaissait contre les murs, sa salle de classe était le summum de l'organisation, une ode à l'ordre et au travail, le vide abyssale rempli de quelques bidules en tout genre, en bref, un lieu un peu moins surnaturellement encombrée que cette pièce qui avait, autre fois, eut un plancher et des murs visible.

Calé dans un coin miraculeusement vide, il y avait quelques questions que le professeur essayait de régler. Pour commencer, il essayait de se souvenir où il avait acheté un plateau repas ensorcelé qui produisait des ondulations dès qu'on y posait quelque chose, comme si les assiettes s'étaient retrouvées à flotter sur une mare, sans doute en Asie, peut-être en Chine. Il se demandait aussi ce qui lui avait prit d'acheter une chose pareil qui ne lui servait à rien, sans doute pour la décoration, ou pour le fun. Il aurait aussi voulu savoir où il avait trouvé l'argent pour cette chose, ne s'étonnant plus de ne presque jamais en avoir, et enfin, se demandait pourquoi il n'avait pas déjà fait le tri dans le capharnaüm autour de lui. En somme, des questions capitales. Il en oubliait une autre ; Comment avait-il fait pour traverser son bureau jusqu'à ce plateau ?

La réponse vint tout naturellement lorsque quelqu'un frappa à la porte. Ludovic dressa la tête, abandonnant sa trouvaille sur un petit tas de "trucs à trier" à côté de l'énorme tas des "bidules à ranger". Il se redressa et après quelques grandes enjambées en essayant de marcher sur le moins d'objets fragiles possible, retourna au "couloir" de sol dégagé qui reliait la porte de sa chambre à celle de sa salle de classe. Il l'avait aménagé en début d'année à force de pousser son chaos du bout des pieds. C'était plutôt utile, juste dommage qu'il n'ait pas jugé plus simple de ranger. Donnant un coup d'épaule dans une pile de chaises qui commençaient à tomber dans le passage, il ouvrit la porte tant bien que mal. Derrière se trouvait Salem, tout sourire.

— Salut, lança Ludovic juste avant que les chaises ne s'écroulent sur l'argenterie, cassant la vitre d'un buffet au passage.

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Ludovic rentra la tête, ferma un œil et grimaça en attendant que la casse passe. Une fois certain que rien ne tomberait plus bas, il se détendit et adressa un sourire à sa collègue. Toujours aussi radieuse naturellement. Elle lui demanda s'il l'attendait. L'attendre pour ? Ah oui ! C'était le jour du thé.

— Non, non ! Oui, enfin non... Je le savais. Je veux dire... je n'avais pas oublié. il tourna la tête vers son bric-à-brac une seconde et l'indiqua du pouce. Je voulais ranger en fait, mais j'ai dut m'y prendre un peu trop tard. il se racla la gorge, de quelques mois... enfin ça peut attendre !

La jeune femme lui présenta un plateau couvert de magnifiques petits gâteaux plus qu'appétissants. Son fidèle flaire lui indiquait qu'il devait y avoir quelques uns de ses biscuits préférés dans le fond et il aperçu bien vite un ou deux muffins plus qu'intéressants. Il récupéra le plateau pour dégager les mains de l'enseignante et regarder tout cela d'un peu plus près.

— Ah, ça c'est une bonne idée. Il leva la tête, prit sur le fait, et indiqua une nouvelle fois le désordre d'un signe de tête en se dégageant de l'entrée. Euh... tu veux rentrer ?

Il essaya d'ouvrir un peu plus la porte, mais elle heurta quelque chose bloqué derrière. Ludovic jeta un coup d'oeil pour voir ce qui coinçait, mais laissa bien vite tomber, il devait y avoir au moins trois couches à dégager. Il adressa un nouveau sourire à la blonde, un peu gêné par son désordre.

— Hum. J'ai les chaises et mon bureau ne doit pas être loin, mais ça serait peut-être plus simple si on allait chez toi, je ne suis pas sûr d'avoir de service à thé.

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Ludovic écarquilla les yeux à la proposition de sa collègue de soudoyer des élèves, un peu comme si elle lui avait proposé de demander à un dragon de venir entretenir la cheminée ou à un niffleur d'astiquer l'argenterie - et ça encore aurait été bien moins inquiétant.

— Des élèves ? Oh là non !

C'était un coup à ce qu'ils lui volent quelque chose ou bien qu'ils fassent encore plus de casse que lui. De plus, les élèves c'était curieux, trop curieux, les laisser entrer dans son bureau c'était tirer un trait sur son espace vital. Enfin bon, il y avait un petit fumet de gâteau frais qui eut tôt fait de chasser cette proposition saugrenue de ses pensées et l'idée d'un service à thé exclusif suffit à lui tirer un nouveau sourire enchanté.

— Ahah, je serais ravi de voir ça.

Salem pivota presque aussitôt pour sautiller dans le couloir, Ludovic la regarda partir une seconde, amusé, le temps de fermer la porte sans trop de difficulté. Il la suivit ensuite, le plateau à la main, cherchant un biscuit plus appétissant que les autres entre les cookies alléchants. Il fini par opter pour un délicieux sablé couvert de chocolat. On ne peut pas se tromper avec les classiques. Il en croqua un bout, délicieux, essayant de ne pas semer trop de miettes sur les muffins.

— Hum, marmonna-t-il la bouche pleine avant de se passer la langue sur les lèvres en avalant sa bouchée. Qu'est-ce que tu as comme vinyles ?

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La bonne humeur de Salem semblait contagieuse et rien n'aurait pu faire plus plaisir à Ludovic que rendre quelqu'un d'aussi souriant. Ce n'était pas si compliqué avec cette enseignante, mais cela n'en restait pas moins merveilleux. Cela promettait d'être une journée fantastique, surtout qu'il y avait sur le plateau de pâtisseries de quoi se doper au sucre pour plusieurs heures. Il sourit à son tour, cherchant quel autre biscuit il pourrait dévorer désormais.

Il tiqua un peu lorsque la femme se mit à utiliser le terme "moldu", il y avait décidément trop de mauvaises habitudes dans ce château, mais ce n'était pas de sa faute. Après tout, Aidrian lui avait dit que Salem était née sang pur. C'était un parcours pour le moins étrange d'ailleurs. La façon dont une sorcière pure souche finissait par enseigner l'étude des non sorciers. Il ne se lassait pas de l'interroger là-dessus. Plus il en apprenait, mieux cela valait pour Aidrian. C'est pourquoi il fit l'effort de noter avec soin tous les vinyles dont lui parla Salem. Peut-être la prof de potion aurait-elle matière à engager la conversation avec ça... à condition qu'elle ose engager la conversation.

— Elton John je connais. Je l'aime bien, bonne musique. Coupe de cheveux sympa aussi... Il attrapa un petit sablé et l'engloutit en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Bien sûr que j'aime bien les chanteurs non sorciers, les sorciers aussi d'ailleurs. A peu près toute les musiques en fait. C'est l'avantage quand on est sang mêlé. Je suis allé voir un concert avec une amie il n'y a pas longtemps, c'était un groupe sorcier dont j'ai oublié le nom. Je ne sais pas si tu connais... Enfin si je ne me souviens même pas du nom, ça ne t'aide pas beaucoup, mais c'était une soirée très sympa...

Il resta songeur un instant alors qu'il se rappelait de son rendez-vous avec Lisbeth, de leur baiser et du don de métamorphomage de la jeune femme. Tout simplement merveilleuse. Il avait hâte d'être au bal pour la revoir. Peut-être même aurait-il pu trouver un moyen de la voir avant cela. Il revint à la conversation, comme si de rien n'était, l'air de reprendre sa respiration après une petite séance d'apnée.

— Il y a des vinyles sorciers tu crois ? Je n'ai jamais cherché. Si bien sûr il y en a ! Je me souviens que j'en avais quelques un quand j'étais jeune. Tu en as ? Combien tu as de vinyles ? Tous du même genre ? Euh... je crois que ton bureau est de l'autre côté non ? Tu me diras, on peut toujours aller ailleurs, mais ça sera difficile de faire du thé sans tellière.

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Ludovic approuva aussitôt. Maintenir le mystère, une raison tout à fait valable. Il regarda amusé sa collègue changer de chemin. Sûr que lorsqu'on n'y faisait pas attention les couloirs du château pouvaient se transformer en un véritable labyrinthe. Il suffisait de ne pas regarder où l'on mettait les pieds en passant par les grands escaliers et l'ont finissait par se retrouver dans un placard ou une aile inconnue sans même s'en rendre compte. Fort heureusement, cela ne lui était plus arrivé depuis une éternité, mais il se souvenait très bien de sa première année au château et de ces fois où l'infranchissable porte du dortoir des Serdaigles n'avait pas été la seule raison pour laquelle il avait passé la nuit dehors. De bons moments, pas sur le coup bien sûr, mais de bons moments quand même.

Salem se mit à parler de son chat et le brun chercha à se rappeler s'il avait déjà vu l'animal. Petit et pas très gros, non ? On pouvait dire ça de tous les chats. Il y en avait tellement dans les parages qu'il se demandait parfois s'il restait encore assez de souris pour les nourrir et si tous les propriétaires de rats parvenaient à garder leurs compagnons plus d'une année. Ce n'était sans doute pas pour rien que l'on conseillait les hiboux aux nouveaux élèves.

— Non, répondit-il à la question de la jeune femme, se reprenant aussi sec. Enfin si, j'ai une chouette, c'est un ami qui me l'a offerte, mais je passe tellement de temps à lui envoyer des lettres avec que je ne la voit presque pas. D'un côté c'est assez pratique, niveau entretien ça pose moins de problème vu qu'il doit la nourrir plus que moi. D'ailleurs je ne te raconte pas les manières quand je lui donne quelque chose à manger, c'est limite si je ne doit pas lever le petit doigt et l'appeler "Madame" pour qu'elle ne me tourne pas le dos. Une vraie peste.

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Une chouette jalouse ? De qui ? Il semblait pourtant à Ludovic que son mangeur de souris avait toujours eut ce caractère atroce. Un manque d'autorité semblait plus probable. C'est vrai qu'il avait toujours eut quelques ennuis avec ses compagnons à plumes et à poils. Dommage qu'il n'ait pas rencontré Salem plus tôt pour lui donner des conseils, il aurait évité bien des mauvais coups et plusieurs griffures jusqu'à l'os. L'autorité en même temps, c'était quelque chose de tellement lassant. Cela demandait beaucoup trop de travail pour être appliqué tous les jours et un peu trop d'attention.

— Jalouse peut-être. Si tu écoute les rumeurs il y en a qui te diraient qu'il y a de quoi... Il faudrait qu'il pense à s'en occuper d'ailleurs, à ce rythme là il ne tarderait pas à être obligé de changer de pays. Encore. Elle s'appelle Ephire, répondit-il. Ce n'est pas moi qui ait choisit. Ce n'est jamais moi qui choisit ou j'en serais encore à chercher. Je l'aurais bien appelé Primevère, Sangsue, Pervenche ou... n'importe quoi du genre. Je n'ai jamais été très doué pour trouver des noms. Il y a tellement de choix. Comment tu as fait pour ton chat ? Tu as demandé à une voyante ? Un voyant ? Un animagus chat ? McGonagall ?

Il commençait à s'éloigner du sujet à ne pas vouloir avouer qu'il voyait bien quelqu'un. Peut-être que Jon déteignait un peu sur lui ou bien était-ce lui qui avait déteint sur Jon bien des années plus tôt ? Son égo le fit pencher pour la seconde solution. Parler avec Salem était vraiment très agréable. Ludovic eut un sourire. Imaginer la professeur dans le vestiaire de Quidditch avec des joueurs dedans avait de quoi l'amuser. Il la voyait très bien, rouge comme une Aidrian en public, se frayer un chemin entre les chaussures nauséabondes et les joueurs en maillot. Une occasion à ne pas manquer pour prendre une photo.

— Tu crois qu'on devrait dérouler une bobine de fil au cas où on se perdrait ? plaisanta-t-il.

Mais il n'y avait aucun doute, le bureau était bien là. A moins que la disposition des enseignants n'ait été totalement bouleversée depuis ses années d'études.

— Alors ? fit-il lorsqu'ils s'arrêtèrent devant la bonne porte. Bureau ou cachot remplit de troll en tenue de Quidditch ?

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Ainsi donc le chat de l'enseignante était mélomane. Ils étaient bien assortis. A moins que le matou, lassé d'entendre encore et toujours le même morceau peu à son goût, n'ait fait que supplier la jeune femme d'arrêter le massacre. Tout était possible.

— Il faudra que tu me le fasse écouter alors, reprit Ludovic toujours avec un sourire.

Le français fut un instant déstabilise par le brusque sérieux de la jeune femme avant de réaliser qu'il s'agissait d'une blague. Salem était d'une certaine façon si adorable qu'il était difficile d'imaginer qu'elle soit capable de mentir. Et si elle ne savait pas mentir, alors la possibilité qu'un minotaure sorte d'un bureau pouvait presque sembler crédible venant d'elle. Mais derrière la porte nul monstre suant ou autre mauvaise surprise, uniquement l'agréable intérieur d'une jeune sorcière passionnée de gens ordinaires.

Il ne fallait pas le répéter deux fois pour que Ludovic fasse comme chez lui, en réalité il n'y avait même pas besoin de le dire. L'ébouriffé s'avança jusqu'au bureau pour poser le plateau de biscuits qu'il tenait - en récupérant une petite réserve au passage - et alla faire le tour de la pièce avec le naturel d'un propriétaire. Il passa en revue les bricoles sur les étagères, croquant dans un biscuit pour se retenir d'en dérober un ou deux qui brillaient assez pour attirer son regard et alla examiner les vinyles, se tordant le cou pour en lire les titres à la verticale. Il les compta une seconde avant de lancer un sifflement admiratif.

— C'est vrai que tu en as une belle collection.

Il se retourna vers la jeune femme, se rappelant soudain des bonnes manières.

— Tu veux que je m'assoie où ?

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Le français tourna à peine la tête vers sa collègue avant de reporter son attention sur les disques. Choisir... il y avait de quoi. Il tapota les disques du bout des doigts et en tira un au hasard qui effectua en souplesse un tour complet entre ses mains. La pochette avait une bonne tête, il ne lui en fallait pas plus. Laissant glisser le grand disque noir dans sa paume, il le posa sur son support et plaça l'aiguille. La musique démarra après une petite seconde de suspense, sonnant agréablement à ses oreilles.

Ludovic était en train d'étudier le nom sur la pochette lorsque Salem reprit la conversation, le rabrouant presque pour ses bonnes manières, ce qui tira un sourire radieux à l'ébouriffé.

— Trop maniéré ? Tu pourrais le redire à tout le monde ce soir au diner ? plaisanta-t-il. Je veux bien du café si tu as.

Il abandonna ce qu'il avait dans les mains sur la pile de disques et alla vers le canapé pour récupérer le chat de la sorcière qui se laissa ramasser comme une fidèle serpillère. S'installant à la place chauffée par la bouillotte en fourrure, le français mis le chat à côté de lui pour lui gratter la tête avant de lever les yeux sur sa collègue.

— Alors, quelles nouvelles aujourd'hui ? Les canards ou le crocodile ? A-tu enfin quelqu'un dans ta vie pour rendre la ménagerie jalouse ? A moins que tu ai envie de parler d'autre chose.

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Récupérant sa tasse de café à la seconde même où elle était arrivée devant lui, Ludovic s'empressa d'en avaler une gorgée pour ne pas avoir la mauvaise idée d'ajouter une autre bêtise en voyant l'air surpris de sa collègue. Il avait sans doute parlé trop vite, comme d'habitude. En même temps, lui confier de l'espionnage de ce genre n'était pas beaucoup plus censé que de lancer un crabe de feu dans une papeterie, peut-être Rian aurait-elle dut envoyer Jon... quoique non, ça n'aurait été qu'augmenter la taille du crabe.

— Non pour rien, répondit le français avec une légère grimace. Juste... ma bouche qui parle trop vite. Mots, pensées, café... Délicieux ton café ! Enfin, tu aurais pu le laisser un peu plus peut-être, mais il est bien comme ça aussi, on pourrait en boire dix tasses.

A vrai dire, c'était bien la quantité qu'il comptait ingurgiter. Les anglais avaient du charme, mais pour ce qui était du café rares étaient ceux qui en faisait du suffisamment corsé. Ludovic en prit une nouvelle gorgée, fronçant un sourcil au goût amer. Beaucoup d'eau d'ailleurs dans ce café, sans doute une déformation culturelle avec le thé. Alors qu'il vidait sa tasse à la vitesse de l'éclair, un long silence sembla s'installer dans la pièce.

— Tiens ! Quizz musical, fit-il après avoir avalé la boisson brulante. Qu'est-ce que j'ai mis comme morceau ?

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