Interrogatoire - Hans&Andréa

Andréa aimait son travail. Mais elle devait avouer qu'elle préférait largement risquer sa vie en mission plutôt que de passer l'après midi à manquer de se noyer dans une mer de papiers. Chaque intervention était suivie d'un nombre impressionnant de formulaire à remplir et de rapports à rédiger. Elle avait acheté une plume qui rédigeait toute seule, elle n'avait qu'à s'enfermer dans son bureau et dicter. Dicter et dicter encore pendant des heures. Elle entendit quelqu'un frapper contre sa porte et rangea sa plume avant d'aller ouvrir. Qu'est-ce qu'il pouvait bien se passer, encore ? Du courrier, comme si elle n'en avait pas assez ? Ah non, la personne à la porte est une des secrétaires et elle vient lui demander si elle peut s'occuper de l'interrogatoire. Lequel ? Celui de l'homme que ses collègues de la police magique viennent de d'arrêter alors qu'il était entré par effraction sur une scène de crime. Oui, elle s'en occupera. Tout plutôt que de continuer l'administratif.

Elle sort de son bureau, fermant la porte à clé d'un coup de baguette, et prend la direction de la salle d'interrogatoire. Elle se demande qui a été assez stupide pour pénétrer dans une enceinte gardée par la police. Parfois l'auteur des faits retourne sur les lieux, elle ne doit donc pas négliger cette possibilité. Avant de rentrer dans la pièce, elle jette un œil par la petite fenêtre. Heimricht ? Bon sang. Cet homme a le don de s'attirer des ennuis. Depuis la fois où elle l'a rencontré, par hasard, en enquêtant sur une tentative de cambriolage à Gringotts, elle n'a pas arrêté d'entendre parler de lui. On dirait qu'à chaque fois qu'il a un petit problème, il prend un malin plaisir à la contacter personnellement. Elle soupire avant d'entrer et d'aller s'asseoir en face de lui, de l'autre côté de la table. Elle croise les jambes et plante ses yeux dans les siens.

« On vous a expliqué pourquoi vous êtes là ? »

Non, ce n'était jamais simple avec le Ministère. La plupart des lois étaient vieilles et absurdes dans le monde moderne mais personne n'avait pris la peine de les changer, tant le processus était lourd et compliqué. Chaque action devait être suivie d'un nombre incroyable d'administration. A le voir là, avec son air un peu perdu, un peu blasé, elle l'aurait bien laissé partir. Il n'avait pas l'air coupable de quoi que ce soit, mais il était vrai que sa présence à la Cabane Hurlante, si peu de temps après les meurtres et les tortures qui y avaient eu lieu, était plus que suspecte.

« Votre présence sur les lieux du crime fait de vous un suspect, ni plus ni moins. »

Son ton était sérieux, professionnel. Histoire qu'il comprenne que l'effraction était vraiment le moindre de ses soucis. Si il n'arrivait pas à lui donner une bonne explication, il passerait sans doute la nuit dans les cellules du Ministère, jusqu'à ce que le Directeur revienne et prenne les mesures nécessaires. Peu de bonnes nouvelles donc. Remis sa visite à une autre jour ? Il serait allé là par... Curiosité ? Bon sang, il était encore plus bizarre qu'elle l'avait pensé. Déjà qu'elle se retrouvait tellement souvent à régler ses problèmes à lui que ça frôlait le harcèlement, si sa notion d'une "bonne journée" était la vue de murs couverts de traces de sang... Brrr. Il faudrait vraiment qu'elle pense à mettre de la distance. Elle croisa les bras et plongea ses yeux dans les siens, prête à détecter un éventuel mensonge.

« Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous vous êtes rendu sur place ? »

Une question ouverte. Pour le faire parler, peut-être. Pour ne pas l'influencer en tout cas. Il ne savait sans doute pas que leurs seuls témoins survivants ne montraient toujours pas de signe de réveil. Une mèche rousse lui tomba devant les yeux et elle s'empressa de la remettre en place, nerveuse. C'était vraiment étrange d'interroger quelqu'un qu'elle connaissait. A bien y réfléchir, elle aurait sans doute pu demander à faire passer la responsabilité de l'interrogatoire à quelqu'un d'autre. A quoi bon ? Ça allait bien se passer. On lui avait confisqué sa baguette, n'est-ce pas ?

Elle avait déjà mené beaucoup d'interrogatoires du même type, cela faisait partie de son métier après tout. Elle avait aussi déjà passé pas mal de temps en la compagnie de Hans Heimricht. Cependant, elle ne s'était vraiment pas attendue à ce qu'il pète un câble comme ça. Elle se raidit et recula légèrement sur sa chaise alors qu'il avouait tout, même plus. Elle n'avait pas toujours été aussi froide. Mais la perte de Jeremiah avait fait qu'elle n'avait plus que son travail auquel se raccrocher. Son professionnalisme avait un peu pris le pas sur l'amusement ou l'empathie. Manifestement énervé, elle avait l'impression que c'était une sorte de vraiment mauvaise blague. La meilleure chose à faire, selon elle, était d'attendre qu'il se calme pour avoir, enfin, une explication correcte. Son regard croisa le sien. Peut-être qu'il pouvait voir que ça ne l'amusait pas du tout et qu'il risquait gros à continuer à jouer ce jeu là. Peut-être qu'il était véritablement fou. Mais il suffit du temps d'un clin d'oeil pour que son comportement change du tout au tout. Rien de rassurant pour sa santé mentale, donc. Il se recroquevilla sur lui même, tremblant comme une feuille.

Il parlait plus doucement mais semblait plus... sincère ? Et elle en déduit une chose vraiment improbable. Les seuls victimes n'avaient pas été les enfants comateux et les morts. Il avait été présent, témoin peut-être. Une avancée précieuse dans cette affaire. Et il pleurait. Elle doutait véritablement qu'on pouvait prétendre être aussi... traumatisé. Elle avait l'impression d'être face à un enfant terrifié ou face à un chaton perdu. Alors qu'il lui disait sa peine de ne pas pouvoir prouver son innocence, elle serait bien allée le prendre dans ses bras pour lui dire que tout irait bien, qu'il n'avait plus à avoir peur. Mais c'était un adulte et elle était une professionnelle. Sa posture se détendit néanmoins, elle décroisa les bras et les jambes puis posa une main sur la sienne en signe de soutien, les yeux toujours dans les siens.

« Ne vous en faites pas, tout ira bien. Vous avez donc été témoin ? Comment vous en êtes-vous sorti ? »

Sa voix s'était faite beaucoup plus douce, presque charmeuse ou maternelle. Histoire de le calmer et qu'il puisse répondre encore à au moins quelques questions. Et qu'il sache qu'elle n'était pas contre lui, même si il avait eu une... crise de culpabilité un peu plus tôt.