Retardataires [feat L.Oswin]

Retardataires

Ludovic planta sa fourchette dans une petite pomme de terre et la leva devant ses yeux pour l'examiner. Sa surface était parfaitement régulière, sa couleur d'une belle teinte jaune pâle légèrement dorée par la poêle où on l'avait faite revenir. Elle sentait bon la pomme de terre bien fraîche et bien cuite et il en devinait déjà le délicieux petit goût salé qui commençait à lui imprégner la langue après en avoir avalé une bonne demi-douzaine de semblable. Sans autre forme de procès, il la mangea.

Assis à l'une des longues tables couvertes d'assiettes vides disposées à l'identique de celles de la Grande Salle, Ludovic savourait un déjeuner tardif qu'il comptait bien savourer jusqu'à la dernière bouchée. Il avait manqué le repas officiel d'une bonne heure et demi, trop occupé à bricoler un sortilège capable de transformer les plumes en papier pour se rappeler de manger. Lorsque son ventre avait commencé à crier famine, c'était trop tard. La Grande Salle était vide, il était en retard. Sans se laisser démonter, il était descendu aux sous-sols et s'était glissé dans la cuisine pour demander à l'un des elfes de maison, Rognure, de lui préparer de quoi compenser.

— Il faudra que tu me donne ton truc pour les patates, Rognure lança le professeur une fois sa bouchée avalée. C'est tellement bon que je vais finir par croire que tu fais de la magie noire.

– Monsieur Descremps est trop aimable, répondit un vieil elfe habillé d'une trop grande chemise bleue tâchée sans se détourner de ses trente-huit casseroles où mijotaient des douzaines d'oeufs de poules.

– Monsieur Descremps souhaite autre-chose ? demanda un petit elfe aux oreilles particulièrement larges d'une voix nasillarde.

— Oui, bonne idée. Je reprendrais bien un peu de bacon s'il t'en reste.

Ludovic avait découvert la cuisine à sa troisième année à Poudlard. Il avait rapidement pris l'habitude d'y aller en dehors des heures de repas, préférant le capharnaüm des marmites à celui des élèves. Avec le temps, il avait fini par apprendre le nom de la plupart des elfes qui étaient à chaque fois ravis de le voir à leurs tables. Bien sûr, depuis qu'il avait quitté l'école, de nouveaux serviteurs de Poudlard étaient arrivés et d'autres n'étaient plus, mais il n'avait pas eut trop de mal à y retrouver ses habitudes, bien aidé par le peu versatile Rognure qui devait désormais être le doyen des cuisines.

Entre Rognure et Ludovic, c'était une longue histoire qui aurait mérité un bon morceau de livre pour être racontée, mais un nouveau plat de bacon arriva si vite devant le professeur qu'il n'eut pas le temps d'y repenser. Il mangeait rarement autant d'habitude, mais il se laissait vite emporter par l'enthousiasme des cuisiniers qui se battaient presque pour le servir avant qu'il n'ait instauré un roulement. En plus de ça, il adorait les regarder travailler, voir les gâteaux prendre forme, les volailles rôtir doucement sur le feu, les ingrédients se mélanger dans des chaudrons pour donner des saveurs inconnues... c'était une autre forme de magie qui arrivait toujours à lui changer les idées et qui, bien entendu, lui donnait faim.

Retardataires

Alors qu'il allait attaquer son bacon, Ludovic leva la tête en apercevant un mouvement dans son angle mort. Une jeune femme qu'il n'avait encore jamais vu venait de s'asseoir en face de lui. Bien entendu, personne ne pouvait être tranquille vingt minute dans cette école sans que quelqu'un vienne lui taper la conversation. Il aurait été très dommage de rester seul lorsque vous en aviez envie. L'inconnue devait avoir dix ans de moins que lui. Elle était vêtue d'une simple chemise et d'un corset légèrement provoquant qui inspira aussitôt la méfiance au professeur. Il essaya de se raisonner. Après tout, ça n'était qu'une apparence, mais lorsqu'il entendit la jeune femme commencer à parler il eut confirmation que cela serait une discussion très épuisante. Il laissa tomber ses couverts et croisa ses bras sur la table pour garder les mains libres tandis que sa voisine mordait une pomme à belle dents tout en lui parlant comme à une vieille connaissance croisée dans un pub.

— Luxure... répéta-t-il pour lui-même en levant un sourcil sceptique.

Il ne trouvait pas l'emploi de professeur particulièrement luxurieux et, en y regardant bien, le château semblait davantage austère que clinquant. Il aurait très bien pu donner une dizaine d'exemples pour démentir ce qu'il venait d'entendre, mais en même temps, au vu de l'apparence un peu, voir très, débraillée de son interlocutrice, elle ne devait pas avoir déjà connu quelque chose de plus luxueux que cet endroit. Il se retint donc de le dire à voix haute, préférant éviter le conflit et fit comme s'il ne se sentait pas concerné. Ce qui ne fut pas difficile puisque c'était le cas.

La dénommée Oswin se mit soudain à lui parler de légumes. Ludovic n'y comprit rien et finit par se rendre compte que la surveillante faisait allusion aux trois pommes de terre qui trainaient encore dans son assiette. Elle l'avait vu manger ? Depuis combien de temps était-elle entrée dans la cuisine sans qu'il l'ait remarquée ? Il essaya de chasser les mauvais pressentiments qui commençaient à lui coller à la peau et tenta de répondre à la question sans avoir l'air condescendant.

— Pour être précis, commença-t-il, les pommes de terre sont plutôt des tubercules, même si on les range dans la catégorie des légumes. Les légumes c'est un peu vaste, même les champignons sont des légumes de nos jours. En soit ça peut être très intéressent une pomme de terre, vous pouvez vous en servir pour nettoyer des objets ou même fermer une fenêtre gonflée par le froid. C'est pas une blague. Enfin, ici l'important c'est qu'elles soient comestibles n'est-ce pas ?

Il décida de ne pas en dire plus, de toute façon il n'allait pas se lancer dans un débat sur les patates alors que la réplique de la jeune femme devait être une simple moquerie. Il attrapa son verre et bu une longue gorgée d'eau le temps de réfléchir un peu à ce qu'il devait faire. Il aurait pu partir, éviter de parler avec cette fille qui semblait vouloir le mettre en rogne alors qu'il ne la connaissait pas, mais il décida de laisser de côté ses préjugés. Après tout, c'était bien ce qu'il essayait de faire depuis son retour à Poudlard et cette Oswin n'était peut-être pas si exaspérante qu'elle en avait l'air. Il fit donc un effort pour se montrer plus tolérant.

— Surveillante donc, reprit-il d'un ton neutre. J'imagine que ce n'est pas très passionnant. Désolé pour vous.

Il l'avait dit sans moquerie, il le pensait vraiment. Il se souvenait plutôt bien de ces sorciers et sorcière qui passaient leur temps à arpenter les couloirs du matin jusqu'au soir alors qu'il était élève. Il avait même entendu dire que certains d'entre eux s'étaient perdus dans des salles qui n'existaient pas ou étaient devenus fous à cause des mauvaises blagues à répétition de Peeves. Tout ça pour surveiller une meute de jeunes ados impatients d'enfreindre le règlement. Non, il n'aurait souhaité cette place à personne.

Il reprit sa fourchette pour avaler un petit bout de bacon, histoire d'accompagner un peu la croqueuse de pomme, mais il prit d'abord le temps de relancer la conversation.

— Vous avez commencé cette année ? demanda-t-il.

Bon, voilà, il était resté diplomate. C'était à la jeune femme de voir si elle voulait en faire autant. Il tourna la tête en entendant un bruit d'éclaboussure dans son dos, un petit elfe mal dégourdis venait de renverser une casserole de soupe et ne tarderait pas à aller se suspendre par les oreilles ou mettre la tête dans le four. Ah, il semblait avoir choisit le four. Ludovic prit note de ne pas manger de gigot ce soir là.

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*Tranquille ? Que tu crois* songea Ludovic alors que la jeune femme s'étirait.

Les élèves diurnes ? C'était comme dire que les Niffleurs n'aimaient pas l'or. Il lui suffisait de voir les bâillement sans fin des jeunes sorciers lors de ses cours du matin pour deviner que la moitié au moins avait passé la soirée à veiller. Peut-être qu'ils ne se promenaient pas dans les couloirs ou bien qu'ils ne se faisaient jamais prendre, mais il était bien certain qu'ils n'allaient pas tranquillement dormir dans leurs dortoirs une fois l'extinction des feux venue. Il en savait quelque chose, pour avoir fait longtemps parti de ces petits vagabonds des nuits. Avec quatre ou cinq filles pas mal du tout d'ailleurs.

Ludovic but une gorgée d'eau pour penser à autre chose tandis qu'Oswin continuait à parler. Elle lui semblait un peu moins cassante, elle avait même répondu tranquillement. S'en était presque déprimant. Discutez un peu et vous êtes certains que la plupart des gens cesserons de s'intéresser à vous. En soit, ce n'est pas si compliqué l'être humain. Il suffit de lui demander de parler un peu de lui et vous n'existez plus. Pratique, lorsque vous voulez passer inaperçu.

-Je le regretterai presque. Mais la tranquillité a sûrement du bon en un sens.

Ludovic reposa son verre, sa gorgée avalée et répondit par un simple :

— Ouaip, qui voulait absolument tout dire.

"Tout dire" était d'ailleurs en dessous de la réalité. Si on y faisait attention on pouvait deviner dans ce "ouaip" bref et direct toute la déception, la rancœur, l’ennuie et la colère du monde. On pouvait entendre une pointe de regret, un soupçon de lassitude, un rien d'antipathie. Un peu de moquerie à la saveur de l'ironie sous une once de sarcasme et un petit air de certitude. Il y avait de la rage, la tempérance qui arrive à son terme, le dégoût de l'univers et le déchainement contenu. Il y avait l'impatience, la hargne, la violence, la fureur, la tristesse, la honte, la peur, la haine, la frustration, le cri d'un homme seul et détruit. Oui, il y avait tout cela dans ce simple mot qui aurait suffit pour décrire tous les sentiments de l'univers et vous plomber le moral en trente seconde. Soit ça soit c'était juste une déformation un peu bizarre que n'importe qui aurait pu faire en buvant un peu trop vite. D'ailleurs, c'était sûrement ça en fait.

La jeune femme posa son coude sur la table, sa pomme ne tarderait pas à arriver à son terme. Ludovic la regarda un peu plus détendue. Elle semblait un peu moins décidée à le provoquer.

-Oui, j'ai commencé cette année. J'avoue que j'ai été surprise en arrivant ici, mais je pense m'habituer rapidement. Et vous, vous avez déjà travaillé ici?

— Pas vraiment, répondit-il. Première année pour moi aussi, mais j'ai fait ma scolarité ici alors je commence à avoir l'habitude des passages secrets. Si vous voulez un conseil, n'oubliez jamais de dire bonjour aux portraits plein pieds que vous croiserez, ça serait un coup à ce qu'ils vous enferment dans des pièces où vous n'avez pas envie de rester.


Il planta sa fourchette et mangea un nouveau morceau de bacon en songeant à ses cours qui n'allaient pas tarder. En même temps, il n'avait pas trop à se plaindre. Étrangement, il avait beaucoup de temps libre pour un professeur de Sortilège, surtout aux alentours des repas. Il allait finir par croire que Dumbledore l'avait fait exprès pour lui laisser le temps de rattraper ses déjeuners ratés.

— Vous faisiez quoi avant ? renchérit Ludovic, n'ayant pas très envie qu'on le regarde manger sans rien faire.

Ce n'était sûrement pas la meilleure des questions du monde, il avait appris avec le temps qu'à Poudlard personne n'aimait y répondre, mais il l'avait posé sur le ton de la simple conversation. Après tout, de quoi parler sinon ? Du temps ?

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Ludovic écouta la jeune femme d'une oreille distraite. Il allait finir par s'endormir dans son assiette. Mouais, pas très intéressant au final. Enfin si, un peu quand même. Quel type de sorcière gardait une vie de personne ordinaire pendant autant d'années ? Depuis l'arrivée de Dumbledore en tant que directeur de l'école, chaque jeune magicien apprenait l'existence de ses pouvoirs par lettre le jour de ses onze ans, s'il ne le savait pas avant. Enfin, en y pensant, il ne savait pas vraiment comment cela se passait. Il avait entendu dire que chaque enfant sorcier était inscrit dans l'école de son pays de résidence dès sa naissance, mais qui remplissait les papiers ? Et cet ami ? Quelqu'un du ministère ?

Oswin eut un sourire auquel le professeur ne fit pas le moins du monde attention, trop occupé à se creuser la tête pour essayer de démêler ce mystère. Il passait en revue tous les formulaires concernant Poudlard qu'il avait croisé dans sa vie et il n'y en avait pas qu'un peu.

-Et vous donc? Contrairement a moi, vous occupez un rôle assez intéressant, vous avez dut vous faire remarquer pour en arriver la?

La question tira Ludovic de sa rêverie. Il n'en fut pas surpris, c'était la suite logique de la conversation. Il n'eut même pas besoin de réfléchir pour y répondre, il l'avait déjà fait avant même qu'on le lui demande.

— Remarqué, je ne pense pas. Ce n'est pas comme si j'avais inventé le sortilège d'Accio. Je pense juste qu'ils n'avaient pas trop de choix, la majorité des grands sorciers préfèrent s'occuper de leurs propres expériences que perdre leur temps à éduquer des élèves. Non, en fait c'était moi ou bien un gars avec du sang de gobelin je crois. Il devait s'appeller... Flibick, Flapick...

Tout à coup, il y eut une bruyante explosion dans son dos qui faillit l'envoyer contre la table. Par chance, il n'y avait pas eu de feu, juste une onde de choc assez puissante pour faire s'agiter les casseroles suspendues au plafond et perturber les poutres du plafond. En somme, une détonation plus tapageuse que dangereuse.

Ludovic se retourna et découvrit un elfe couvert de suie au pied d'un four éventré. C'était celui qui avait renversé la soupe, il avait dut détraquer quelque chose en mettant la tête dans les gigots et n'y avait pas fait attention, trop occupé à s'infliger sa punition.

Aussitôt, une nuée d'elfes vint s'agiter autour du désastre. Ludovic se leva pour éviter d'être pris en tenaille dans la dispute qui n'allait pas tarder à se déclencher. Le fautif cherchait déjà une poêle pour se fracasser le crâne en compensation de son énorme étourderie tandis que Rognure le secouait par la nuque comme une vulgaire poupée de chiffon. Des piaillements suraiguës s'élevèrent de tous les coins, des cuissons abandonnées se mirent à brûler, une broche tomba dans le feu... bref, en quelques secondes c'était la panique générale.

Ludovic contempla le carnage qui allait s'empirant à mesure que les petits cuisiniers abandonnaient leur poste. En temps normal, enfin, lorsqu'il était élève, il se serait enfui discrètement pour éviter d'être impliqué dans le problème. D'ailleurs, il se souvenait avoir déjà assister à quelque chose de similaire sans pouvoir jurer que cela c'était passé dans cette même cuisine. Quoi qu'il en soit, désormais, il devait se montrer responsable. Après tout, ce n'étaient pas les elfes surexcités qui allaient régler la situation, il aurait au moins fallu les calmer.

Ludovic gonfla ses poumons à fond, prit une seconde et poussa un hurlement à faire trembler les morts.

— SILEEEENCE !

Le cri résonna dans toute la pièce comme si une seconde explosion avait eut lieu. Tous les elfes se turent et le fixèrent de leurs grands yeux ébahis, n'osant même plus bouger une oreille. Le seul bruit encore présent étant le crépitement du grand feu dans la cheminée et le son de cloche des casseroles qui n'avaient pas encore arrêtées de tanguer. Le professeur se tourna vers Oswin avec un soudain éclair de lucidité. Comment avait-il fait pour ne pas y penser immédiatement ? Ce qu'il pouvait être lent parfois. C'était le manque de pratique, il ne voyait que ça. Il se racla la gorge pour retrouver un semblant de voix normale avant de demander :

— Mais au fait... vous êtes française ?

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Un grand sourire apparut sur le visage de Ludovic. Il n'avait pas rêvé, c'était merveilleux !

— Je suis français aussi, s'exclama-t-il.

Bon dieu, c'était horrible. Il avait dit ces quelques mots avec un accent digne d'un écossais. Si quelqu'un réussissait à croire qu'il venait de l'hexagone après ça c'était qu'il n'en avait jamais entendu parler. Voilà ce que c'était de passer autant de temps à pratiquer une langue étrangère.

— Je sais, enfin je veux dire je sais, reprit-il avec sa voix légèrement suraiguë. Il y a longtemps que je n'ai pas eut besoin de parler français alors ça peut sembler un peu difficile à croire.

Au fur et à mesure, cela semblait s'améliorer un peu. En tout cas, il n'avait pas perdu son vocabulaire.

— Je suis de Paris, vous venez de quelle région ?

Ludovic sentit soudain une décharge lui parcourir le mollet gauche et eut la jambe presque aussitôt engourdie. Il s'appuya contre la table pour ne pas tomber, obligé de s'asseoir sur le banc. Tu parle d'une journée. Il regarda vers le sol. Rognure venait de lui lancer un sort pour attirer son attention. Le vieil elfe semblait être de particulière mauvaise humeur et il y avait de quoi. Ils étaient en train d'accumuler un sacré retard pour le diner.

— Monsieur draguera plus tard, grogna la petite créature en pointant la cuisinière explosée du doigt.

— Et comment je fais pour réparer maintenant que tu m'as paralysée ? Hein ? répliqua l'homme avec une voix déjà plus crédible.

Il tira l'oreille de la bestiole qui lui lança des petits coups de griffe vers les bras. Vraiment une très longue histoire entre eux. Il tourna la tête en direction d'Oswin.

— Il faudrait ramasser les morceaux pour le réparo, j'ai peur de ne pas pouvoir rester debout pour l'heure à venir. Désolé... je vais essayer les sorts, mais vous risquez de devoir ramper un peu si on ne retrouve pas tout.

Les elfes avaient déjà commencé à rassembler les pièces détachées du four, le sortilège ne marcherait pas s'il manquait ne serais-ce qu'une vis. Bref, il y avait du boulot. Ludovic repéra un bout de fer planté dans un jambon, heureusement qu'il n'était pas allé se fourrer dans son dos. Il sortit sa baguette et lança un accio sur la tôle, elle se délogea de son support avec un bruit poisseux et fonça droit vers ses yeux. Il l'attrapa au vol et la jeta devant lui, au pied du four.

— Résultat vous n'avez pas été à Beauxbâtons ? reprit-il. C'est dommage, je vous aurais bien vu dans l'uniforme.

Le boulot n'était pas très amusant en soi, même s'il lui rappelait un peu les fêtes de Pâques. Autant ne pas s'endormir. Il s'ajusta un peu mieux sur son siège, dire qu'il devait avoir cours juste après. Tant pis, il ne pourrait jamais y aller avec une jambe qui ne répondait plus. Il connaissait bien les sorts de Rognure, inutile de tenter un remède de l'infirmerie, c'était de la magie trop subtile. Il n'y avait qu'à attendre, ses élèves seraient ravis d'avoir quelques heures de libre.

Il lança un nouvel accio sur une vis qui trainait par terre. Elle siffla dans les airs jusqu'à sa paume. Manqué, c'était un bout d'os. Il s'en débarrassa et se pencha un peu pour essayer de repérer d'autres débris.

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Alsace alors. En tout cas, il n'était pas difficile de la croire, elle. Il ne connaissait pas trop l'Alsace, il n'y était même pas allé pour les vacances, préférant en général rester à l'école pour y mettre l'ambiance lorsque les salles commençaient à se vider. Il rentraient pour Noël bien sûr, il ne restait jamais personne à Noël, mais la destination touristique familiale se portait en général sur les Alpes. Quand aux grandes vacances, c'était soit la campagne soit la plage. Bah oui, tout le monde n'a pas l'occasion de faire original.

Oswin ne semblait pas très ravie à l'idée de se promener sur le sol, Ludo aima beaucoup sa répartie. L'aider à ramper ? C'était assez intéressant pour être tenté, même si, en soit, il n'aurait pas eu trop de mal à se laisser glisser sur le carrelage. Tiens d'ailleurs. Il s'appuya sur sa jambe encore valide et se pencha pour regarder sous la table. Gagné, un bout de métal trainait dans la poussière. Hum, pas très bien entretenu le dessous des mobiliers. En équilibre au bord du banc, il lança un accio sur le morceau luisant et l'ajouta à la pile qui commençait à enfler. Il se remit à sa place tant bien que mal et cala son pied dans une rainure du carrelage pour l'empêcher de glisser. C'était vraiment frustrant d'être incapable de se lever.

Il eut un sourire en entendant la réaction de la jeune femme au sujet de l'uniforme. Elle lui rappelait quelques amies qu'il s'était faites à l'époque où il arpentait encore les couloirs de l'école française. "Non mais regarde moi ces fanfreluches ridicules !" "C'est horrible comme ça gratte !" "La couleur est ideuse non ?" "Veinard, toi t'as une chemise!" "Si tu baisse les yeux, je te tue." Le bon vieux temps... avant qu'il ne lise dans leur tête leurs secrets les plus refoulés. Il déglutit tant bien que mal et essaya de penser à autre chose. C'était du passé, c'était loin désormais.

Il se frotta les yeux, si Oswin lui avait parlé il n'en avait rien entendu.

— L'uniforme de Poudlard est quand même beaucoup plus stricte et moins coloré, commença-t-il avant de voir la jeune femme se perdre dans le vague avec un air étrangement familier. Tout va bien ?

Après un temps, Ludovic décida de laisser tomber et passer à autre chose. C'était sa vie privée et il ne la connaissait que depuis quelques minutes. Ce n'était pas du tout convenable d'insister. Soit elle ne voulait pas en parler et dans ce cas inutile de s'attarder, soit elle aurait besoin de se changer les idées.

— Vous auriez pu mettre celui des garçons sinon, reprit-il. Bon, il aurait fallut vous couper les cheveux et vous dessiner des sourcils plus épais, mais ça aurait eut son charme... j'imagine.

Il sembla à Ludovic que la pile de métal amassée par les elfes, Oswin et lui commençait à être suffisante. Il n'était peut-être pas un as en arithmancie, mais il ne calculait pas trop mal les proportions. Avec un peu de chance... Il lança le reparo. Concentré sur l'image du four, il vit s'élever les pièces une à une et s'assembler sous une lumière étrangement jaune. Cela semblait marcher. La cuisinière était presque reconstruite lorsque le sort fut coupé et que les débris retombèrent sur eux-même pareil à un château de cartes.

— Raté... Il doit manquer des vis ou quelque chose comme ça.

Il se gratta le genou, il commençait à avoir des fourmis dans la jambe.

— Il faudrait un sort de détection, marmonna-t-il, pensant à voix haute.

Il eut beau chercher dans sa longue liste de sortilèges il ne parvenait pas à se souvenir de quoi que ce soit qui aurait pu leur être utile.

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Ludovic s'agitait sur son banc à la recherche des pièces manquantes. Combien pouvait-il en manquer ? Deux ? Dix ? Vingt ? Grosses ? Petites ? Cassées ? Peut-être faudrait-il réparer individuellement chaque morceau avant de tout rassembler. Les elfes ne semblaient plus rien trouver, en vérité, ils avaient l'air de s'être complétement désintéressés du problème. Après tout, il restait encore quatre fours opérationnels et un repas pour plusieurs centaines de personnes à préparer avant la nuit tombée. La valse des casseroles avait repris, même Rognure ne cherchait plus. Enfin, Rognure ne cherchait jamais rien et ne faisait pas grand chose en dehors de la cuisine et la distribution des ordres. Pour un elfe de maison, il n'était pas du style serviable.

La remarque d'Oswin tira le professeur de sa traque aux bouts de fer. Il ne put retenir un immense sourire. La maline. En même temps, difficile de croire que sa réputation n'était pas déjà arrivée à ses oreilles. Il avait dans son dossier quelques coups d'éclats assez intéressants pour être notés. C'était vieux d'accord, plus grand monde ne devait savoir ce qu'il avait exactement laissé comme petites histoires dans les murs de Poudlard, mais quand même.

— Rebelle moi ? Non voyons, lança-t-il à moitié mort de rire. Pas plus que la moyenne. Enfin peut-être un peu, mais j'étais jeune. Disons surtout que j'ai le don de m'attirer des ennuis. C'est plutôt un bon exemple, je crois.

Il indiqua la cuisinière d'un signe de tête avant de pivoter pour chercher les pièces manquantes d'un autre côté. Pas facile quand vous gardez toujours le même point de vue de retrouver quelque chose pouvant être aussi petit qu'une tête de vis. Les cuisines étaient vastes, il n'en voyait pas la moitié dans ses détails, il aurait eut plus de chance de retrouver un gnome dans un champ de blé.

— Quand on se met dans le pétrin aussi souvent, reprit-il en scrutant les environs, on apprends vite à réfléchir. D'expérience, plus vous creusez loin plus vous avez de chances de vous en sortir. La plupart du temps.

Il regarda soudain la surveillante d'un air un peu perplexe. Cela venait de le heurter en pleine face, un simple mot peut-être utilisé à la légère, mais qui lui semblait lourd de sens.

— Vous trouvez que je suis étrange ?

C'est vrai qu'il n'y avait jamais pensé. Des idées limpides pour lui pouvaient sembler bizarres à d'autres sans que ce soit volontaire. Il n'y faisait pas attention. L'habitude et puis personne ne lui en avait fait la réflexion, mais peut-être que certaines choses chez lui l'avaient rendu... différent et c'est ce qui l'inquiétait tout à coup. Il était comme tout le monde projeté dans un monde où il était étranger, désireux d'être accepté. Être bizarre cela voudrait dire qu'il n'y arriverait jamais. C'était assez angoissant.

D'accord, la jeune femme n'était peut-être pas la meilleure juge en la matière. Sa tenue singulière, sa façon de vous parler comme à un truand de bar avant de se radoucir et vouvoyer d'une façon tout à fait commune et puis ses sourires curieux à longueur de temps... on avait vu plus classique. Raison de plus, si Oswin le trouvait bizarre, pour le reste du château cela devait être pire.

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Ludovic avait bien sûr écouté Oswin lui parler de sa chance, mais c'était comme s'il ne l'avait pas entendu sur le coup, maintenant que cela lui revenait à l'esprit, il ne répondit pas. Chanceux ? Il était toujours en vie, oui, de la à parler de chance... La jeune femme lança un sortilège d'accio qui délogea une vis du mur. D'accord, il fallait reconnaitre que le professeur était un sacré veinard de n'avoir eut aucune égratignure alors que l'explosion dans son dos avait été assez forte pour qu'une si petite pièce de métal s'enfonce dans de la pierre. Il aurait été du genre à paniquer, il se serait peut-être inquiété un peu, mais il avait vu des choses bien plus surprenantes dans cette école et puis l'important c'était qu'il ait encore ses bras et ses jambes, plus ou moins.

La surveillante lui remit la vis et il l'examina. Il n'aurait pas fallut qu'elle soit trop abimée où le four serait irrécupérable. Les crans semblaient un peu émoussés et elle était assez tordue. Il se servit du coin de la table pour la redresser. Difficile, c'était un bon morceau de fer. Il s'écorcha la paume à force d'insister, mais au moins avait-elle l'air un peu plus droite. Sans faire attention à la coupure, il lança la vis sur le tas de ferraille et lança une nouvelle fois le sort. Elle produisit un petit bruit avant de rouler légèrement sur le côté et s'arrêter juste avant de passer sous un meuble. Du moment qu'elle restait à portée ce n'était pas si grave.

Oswin répondit enfin, gagnant en une seconde toute l'attention de Ludovic. Elle le trouvait bizarre. C'était tout ce qu'il avait retenu. C'était donc vrai, il était foutu. En même temps, c'était prévisible, il ne faisait que se voiler la face. Restait à savoir si sa bizarrerie avait été repérée par quelqu'un d'autre et quel genre de bizarrerie. Il fixa le mur, sans remarquer que la surveillante s'étirait encore, ni qu'elle s'était assise juste à côté de lui. Il avait besoin de réfléchir, seul. Il avait tout le temps besoin de réfléchir en y pensant, si seulement il s'en laissait un peu plus l'occasion.

Mécaniquement, il relança le sort de reparo. La cuisinière en lambeaux se reforma peu à peu. Il maintint le sort assez longtemps pour que les interstices entre les pièces se ressoudent comme si elles n'avaient jamais été brisées et ne baissa pas sa baguette avant que même les grilles intérieur ne soient parfaitement reformées. Il aurait bien voulu continuer à lancer son sort si il était resté quelque chose à réparer malgré sa tâche terminée et ne pensa pas à ranger sa baguette. Les elfes recommençaient déjà à farcir le four de rôtis et de légumes, comme si rien n'était jamais arrivé. Tout est si vite oublié avec la magie.

Il n'entendit pas la dernière remarque d'Oswin. A vrai dire, un autre four aurait explosé qu'il ne s'en serait pas rendu compte. Il s'appuya sur la table pour se relever, monté comme un automate. Il se tint droit une seconde et s'écroula sur sa jambe invalide. Le choc sur le carrelage lui remit les idées en place. Il reprit conscience comme s'il venait de briser un envoutement. C'était bizarre d'être vautré sur le sol, on voyait le monde très différemment.

— Euh, bredouilla-t-il. Visiblement c'est pas encore ça.

Il secoua la tête et s'appuya sur le banc pour se redresser en position assise, un peu hagard. C'était gênant, mais il ne s'en rendait pas compte. Il voulu se retourner vers Oswin, n'en eut pas envie au dernier moment. Il essaya plutôt de se redresser en s'aidant de la table pour ne pas tomber une nouvelle fois. Gardant les yeux rivés vers ses pieds pour être certain de ne pas trébucher.

— Foutu Rognure. Il faudrait que je marche, songea-t-il à voix haute, ça irait mieux.

Il était repassé à l'anglais, curieux. Il tourna enfin les yeux vers Oswin avec son air naturellement agréable.

— Vous voulez bien me servir de support ? Je pèse pas si lourd.

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C'était stupide d'avoir posé cette question, elle n'avait aucune raison d'accepter et a sa place, il aurait sans aucun doute refusé. Ce n'était pas très valorisant de servir de canne humaine, ni d'en avoir besoin d'ailleurs. C'est pourquoi Ludovic fut vraiment surpris lorsqu'elle accepta. Au fond, il avait demandé sans y penser, il n'avait jamais cru qu'elle répondrait. Il voulu l'examiner, percer un peu les mystères qui encombraient ce visage féminin, mais lorsqu'on est trop occupé à se cacher les yeux, on ne peut pas lire dans ceux des autres.

Il essaya de mettre sa main hors de portée, mais elle fut trop rapide. Il n'avait pas besoin d'être soigné, ce n'était rien, il pouvait le faire tout seul. Il résista un peu, essayant de s'échapper. Cela eut pour seul résultat de manquer de le faire trébucher. Il fut bien obligé de la laisser faire et il détestait ça. Il fixa sa paume, concentré sur l’égratignure et crispa un peu les mâchoires lorsqu'elle lança son sortilège. Il fut soulagé de voir que la blessure ne se referma pas. Toujours aussi rapide, Oswin lui fit un bandage avec un simple mouchoir. Mauvais patient, Ludo essayait de récupérer sa main à la moindre occasion, mais rien n'y fit. Ce fut seulement lorsque le tissu était bien noué qu'il put enfin se libérer. Il bougea les doigts une seconde et leva brièvement les yeux, croisant ceux de la jeune femme. Il regarda dedans, il n'avait pas le choix. Il aurait voulu arrêter, mais détourner le regard ne lui était pas permis, alors il se concentra pour avoir l'air neutre, incapable de faire partir un soupçon de colère.

"Chut..." souffla une voix dans sa tête pour l'apaiser.

Heureusement, cela ne dura pas, Oswin bougea et il prit une grande bouffée d'air pour retrouver un peu de contenance. Il se gratta la main, il aurait bien aimé enlever le bandage, mais il devrait attendre. Il se laissa faire sans broncher lorsqu'elle passa son bras par dessus ses épaules et fut un peu surpris de les sentir aussi musclées. Elle ressemblait d'avantage à une septième année tout juste diplômée qu'à une montagne de muscles. Il fit comme si de rien n'était et se redressa pour ne pas avoir l'air de trop s'appuyer sur elle et faire comme s'il était avec un ami. Il avait davantage l'air d'entourer les épaules de sa petite amie, mais n'allez pas lui dire, il aurait enlevé son bras à la seconde et se serait une nouvelle fois écroulé par terre.

— Où aller ? Je ne sais pas, répondit-il. À vous de décider. Je crois que je n'ai pas trop le choix en ce moment.

Il lui adressa un sourire et s'ajusta encore pour peser le moins possible sur elle. C'était un peu vain, il sentait bien qu'il serait obligé de prendre appuis dès leur premier pas, mais les vieilles habitudes obliges. Il s’ébouriffa les cheveux le temps de réfléchir un peu.

— Je devais avoir cour, mais je ne pense pas pouvoir tenir deux heures debout sans bouger, c'est contraire à mes méthodes. Donc, vous pouvez me promener où vous voulez jusqu'à ce que je retrouve mes deux jambes.

Il s'arrêta soudain et regarda par terre. Il avait lâché sa baguette lorsqu'il était tombé et ne l'avait pas ramassé avant de se lever. Devait-il demander à Oswin de la chercher pour lui ? Un professeur de sortilège sans baguette c'était encore pire qu'être devenu boiteux à vie, mais il aurait put revenir plus tard. Il n'allait quand même pas tout lui demander, il finirait vraiment par se sentir assister.

Il sentit soudain une main se glisser discrètement dans sa poche, de son côté libre. Il tourna la tête et vit Rognure lui rendre sa baguette. L'elfe lui fit un clin d’œil avant de réajuster sa vieille chemise bleue et de détaller jusqu'à ses fourneaux. Ludovic sourit, les mauvaises pensées étaient parties.

— Et si nous commencions par sortir d'ici ? proposa-t-il sans savoir si Oswin avait déjà décidée d'une destination. Nous verrons au fur et à mesure où notre course à trois jambes nous mène.

Retardataires

Un hippogriffe ivre aurait eut bien plus de grâce que l'étrange duo qui s’apprêtait à sortir des cuisines. Bien qu'il fallait reconnaitre qu'Oswin était plutôt grande pour une femme, Ludovic la dépassait quand même d'une courte tête, enfin, vautré sur elle comme il l'était on voyait un peu moins la différence et les talons de ses bottes compensaient le reste. Le professeur commençait à tracer mentalement un itinéraire pour passer le temps, lorsque Oswin déclara vouloir le ramener dans sa chambre.

— Vous êtes folle ? s'étrangla-t-il aussitôt, en écarquillant les yeux.

Encore heureux que son moral était remonté où il se serait enfuis à cloche-pieds. Cette fille avait le don pour dire ce qu'il ne fallait pas. Avait-elle seulement réfléchi une seconde avant de parler ? Pourquoi sa chambre et pas son bureau en plus ? Enfin, ça n'était pas l'essentiel pour l'instant, le principal c'était de rattraper l'énorme gaffe qu'il venait dire à haute voix avant qu'elle le largue au beau milieu du couloir.

— Enfin je veux dire, se reprit-il, il faudrait passer devant ma classe. Ne comptez pas sur moi pour croiser mes élèves comme ça, ni pour monter les grands escaliers d'ailleurs. Pour y faire quoi en plus ? Travailler ? Vous voulez m'achever ?

Il n'était pas bien sûr qu'Oswin l'ait entendu, elle proposa presque aussitôt d'aller dans la sienne si besoin. C'est vrai qu'en d'autres circonstances il aurait trouvé tentant d'aller voir un peu à quoi ressemblait la chambre de la surveillante, en d'autres circonstances. Déjà qu'il avait du mal à enregistrer qu'elle ait envie de voir où il dormait, il trouva cette seconde option encore plus déplacée que la première.

— Qu'est-ce que j'irais faire dans votre chambre ? s'étonna-t-il, sourcil levé.

Oui, il en avait peut-être une légère idée, mais il la chassa assez vite. Ce ne pouvait pas être ça quand même. En tout cas, il trouvait que cette histoire sentait le piège à plein nez, c'était bien suffisant pour refuser. Encore heureux qu'il s'était remis à parler français, ou son accent oublié aurait pu le trahir. Il trouvait que la situation était devenue légèrement embarrassante, il se serait bien un peu décollé de la jeune femme, mais elle n'arrêtait pas de marcher et il fut bien obligé de rester appuyer s'il ne voulait pas tomber. Heureusement, Oswin changea d'elle-même le sujet. Rognure, oui ! Quel thème passionnant !

— C'est plutôt lui en fait. C'était a ma troisième année ici, je venais de trouver les cuisines et Rognure y travaillait déjà depuis près d'un siècle. Comme j'ai pris l'habitude d'aller manger là-bas au lieu d'aller dans la grande salle et qu'il est du genre à faire la moral, on a finit par faire connaissance à coup de "Enlevez vos pieds de cette table".

Son imitation du vieil elfe n'était pas si mauvaise, il laissa un peu de temps à Oswin pour commenter, concentré sur ses jambes pour ne pas se prendre les pieds dans les dalles irrégulières.

— Rognure n'a pas l'air comme ça, mais c'est un vrai cœur d'artichaut. Il a fini par me prendre sous son aile. Bon je sais, être le protégé d'un elfe ça semble toujours assez risible, mais c'est tout de même bien utile. Même si celui-ci ne fait pas grand chose à part me jeter des sorts.

Il força la jeune femme a s'arrêter, c'était épuisant de marcher à moitié et il commençait à avoir mal à l'épaule à force de la garder tendue. Surtout que parler n'aidait pas à garder le rythme.

— Enfin, souffla-t-il. C'est un excellent ami, toujours là quand on a besoin de lui, tant qu'il n'a pas décidé de vous prendre en grippe. S'il vous aime bien, vous pouvez tout lui dire, s'il ne vous aime pas aussi, mais il ne vous écoutera pas. C'est une... personne assez unique en son genre. Je n'ai jamais regretté de l'avoir rencontré. Je lui ai offert une de mes chemises quand j'ai quitté l'école, j'imagine qu'il serait ravi de venir vivre avec moi le jour où j'arrêterais d'enseigner, même si ça n'arrivera probablement jamais.

Il laissa échapper un soupir songeur. Avant de tourner la tête vers la jeune femme.

— Ne lui dites pas que j’ai fait des compliments sur lui, il serait capable de me paralyser plus que la jambe ou de m'envoyer à Sainte Mangouste pour y casser ma pipe.

Il reprit son appuis sur la surveillante et scruta les environs. Qu'y avait-il à voir au sous-sols déjà. Aidrian ? Mais elle devait avoir cour et il n'allait pas prendre le risque de la faire paniquer avec son nouveau côté boiteux. Les réserves ? Sinon pas grand chose.

— Vous avez déjà visité un peu les cachots ? demanda-t-il. Je sais, c'est pas terrible comme programme, mais au moins il n'y a pas d'escaliers et comme on passera devant les salles communes des Poufsouffles et Serpentard je ne vous empercherais pas de travailler, si l'un d'eux fait une bêtise vous n'aurez qu'à me lancer sur lui, ça devrait le calmer.